L’imposition des indemnités versées dans le cadre d’une assurance revenu garanti individuelle

L’imposition des indemnités versées dans le cadre d’une assurance revenu garanti individuelle

Chacun sait qu’une assurance revenu garanti est destinée à couvrir la perte de revenus d’un travailleur indépendant en cas d’accident ou de maladie. Les primes d’assurances sont déductibles au titre de frais professionnels.

Logiquement, lorsque l’assurance donne lieu à une indemnisation, suite à la survenance du risque assuré, cette indemnité est imposable dans le chef du bénéficiaire, puisqu’elle compense une perte de revenus.

Mais deux cas ont suscité de nombreuses interrogations :

1-Un accident est survenu en dehors des activités professionnelles de l’assuré et celui-ci revendique donc l’application du régime fiscal d’exonération dont bénéficient les travailleurs salariés dans un tel cas.

Ce raisonnement ne tient pas un instant la route en ce qui concerne les travailleurs indépendants, puisque l’assuré a bien déduit les primes au titre de frais professionnels et que l’indemnité a bien compensé une perte de revenus

2-L’assuré n’a pas déduit les primes de l’assurance revenu garanti de ses revenus professionnels : il considère dès lors que l’indemnité ne peut être imposée, même si elle compense une perte de revenus.

Le Ministre des Finances a été interrogé à ce sujet au Parlement, afin de clarifier la position de l’administration par rapport à la jurisprudence, pas toujours unanime sur le sujet.

Le Ministre a répondu ceci : «Le régime fiscal des prestations versées dans le cadre d’un contrat d’assurance individuel revenus garantis est essentiellement déterminé sur la base de l’objectif du contrat d’assurance. Lorsque l’assurance a pour but de compenser une perte de revenus, les prestations qui en découlent sont toujours imposables, indépendamment du fait que la prime a été déduite ou non comme frais professionnels ou que l’assurance a été contractée par et pour un chef d’entreprise ou un salarié. Si toutefois l’assurance a pour but d’indemniser une invalidité physique et/ou économique, sans qu’il s’agisse de compenser une perte de revenus, les indemnités qui en découlent ne sont pas imposables. Les primes de telles assurances ne sont dès lors logiquement pas déductibles comme frais professionnels. » (Question parlementaire orale n° 10637 de Monsieur Johan Klaps du 27.04.2016)

Le Ministre confirme donc que quand l’assurance est destinée à couvrir une perte de revenus, l’indemnisation est toujours imposable, que la prime ait été déduite ou non. On ne peut que lui donner raison.

L’art.34, §1 cir/92 indique en effet que : «Les pensions, rentes et allocations en tenant lieu comprennent, quels qu’en soient le débiteur, le bénéficiaire, la qualification et les modalités de détermination et d’octroi :

1° les pensions et les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ou indirectement à une activité professionnelle;

1°bis. les pensions et les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, qui constituent la réparation totale ou partielle d’une perte permanente de bénéfices, de rémunérations ou de profits.»

Sur base du texte légal, on voit mal comment arriver à une autre conclusion que celle du Ministre, même dans le cas où les primes n’ont pas été déduites.

Source : ComptAccount

Taxation sur commissions secrètes et bénéficiaire identifié : le fisc à la dérive

Taxation sur commissions secrètes et bénéficiaire identifié : le fisc à la dérive

La cotisation spéciale de l’art.219 cir/92 a toujours été une arme de destruction massive dans les mains de l’administration fiscale, quand elle constatait que des fiches 281 n’avaient pas été rentrées, ou qu’il y manquait des avantages de toute nature, ou encore que la société contribuable avait payé des honoraires ou commissions sans établir une fiche 281.50.

La sanction était lourde : 309% du montant non déclaré !

Qualifiée de sanction pénale par une jurisprudence unanime, elle a fait l’objet de nombreuses contestations et de nombreux commentaires.

L’actuel gouvernement a décidé de mettre un terme à cette mascarade qui consistait pour le fisc à imposer une société contribuable qui avait commis un oubli involontaire comme si elle avait commis une infraction fiscale du plus haut niveau.

Imaginez : une fiche 281.50 non établie pour des honoraires versés à un avocat ou ATN voiture mal calculé : 309% de sanction ! A ce tarif de sanction, l’infraction ne peut jamais être volontaire et sanctionner une erreur comme une fraude n’était plus acceptable.

Depuis le 29.12.2014, le gouvernement a donc remis les pendules à l’heure d’une manière forte :

-Les 309% sont devenus 103%

-Si le bénéficiaire des dépenses, avantages de toute nature et avantages financiers est une personne morale ou que les bénéfices dissimulés sont réintégrés dans la comptabilité, le taux passe à 51,50%

-Si bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans un délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l’exercice d’imposition concerné, la cotisation de l’art.219 ne peut être appliquée parce que l’administration est toujours dans les délais pour imposer le complément d’impôt dans le chef du bénéficiaire.

Comme ces modifications s’appliquent à tous les litiges en cours, toutes les contestations pendantes, où l’administration avait fait usage de l’ancienne version de l’art.219 comme d’un bazooka, sont remontées à la surface.

De manière unanime, la jurisprudence a appliqué les nouvelles dispositions, annulant à chaque fois la cotisation spéciale quand le bénéficiaire avait été identifié.

Par deux fois en décembre 2015, la Cour d’Appel de Mons a dégrevé la cotisation parce que le bénéficiaire avait été identifié dans le délai de 2 ans et 6 mois. Idem pour la Cour d’Appel de Gand (arrêts de février et septembre 2015). De même pour la Cour d’Appel d’Anvers (arrêts de septembre 2015 et mars 2016).

L’arrêt du 15.03.2016 de la Cour d’Appel d’Anvers est particulièrement symptomatique.

Une société n’avait pas déposé une fiche 281.20 dans les délais et le bénéficiaire du revenu n’avait pas repris le montant en question dans sa déclaration IPP. Le fisc avait imposé la somme au taux de 309% dans le chef de la société. Le Tribunal de 1ère instance lui avait donné raison, fort logiquement sur base de l’art.219 cir/92, dont l’ancienne version était applicable au moment du prononcé du jugement. La société fut bien inspirée d’aller en appel, car entretemps, la loi avait changé. La Cour d’Appel d’Anvers a dégrevé la cotisation parce que le bénéficiaire a été identifié dans le délai de deux ans et six mois suivant le 1er janvier de l’exercice d’imposition.

Tant la société que l’administration s’étaient d’ailleurs mises d’accord sur le dégrèvement.

La modification de l’art.219 intervenue le 29.12.2014 a eu pour effet de vider cet article de sa substance et d’imposer à l’administration de rectifier les revenus dans le chef du bénéficiaire, quand celui-ci est connu, ce qui est la grande majorité des cas qui avaient donné lieu à l’application du taux de 309%, et quand bien même le bénéficiaire n’aurait pas repris le revenu en question dans sa déclaration fiscale.

Pour tous ceux qui étaient en litige avec le fisc, mais dont le dossier est clôturé sans qu’il y ait eu appel, il est trop tard. La modification légale n’est pas un fait nouveau puisqu’elle s’est appliquée de manière immédiate et à tous les litiges pendants. Pour qu’il s’agisse d’un fait nouveau, il aurait fallu que ce soit l’ancienne mouture de l’art.219 qui soit interprétée différemment. Or ce n’est pas le cas : cet article a bel et bien été modifié de fond en comble, au bénéfice de tous les contribuables et dans le respect, enfin, de la justice fiscale.

Source : comptAccount  18-07-2016