La voiture de société en question

jeudi 25 février 2016 – Le soir

 

La voiture de société coûte très cher à la collectivité

Le Bureau du Plan chiffre le coût sociétal à 900 millions

 

Une voiture de société coûte à la société 2.361 euros, auxquels s’ajoute la « dépense fiscale » qui atteint, en moyenne, 2.590 euros.

Dominique Rodenbach.

Le Plan, après l’OCDE,   livre un plaidoyer  à charge contre  un avantage fiscal  dont sont friands   les (hauts) cadres belges.

Pas sûr que cela   soit suffisant pour inciter les politiques à abattre la « vache sacrée ».

 

Selon le Bureau du Plan, le système belge des voitures de société a tous les défauts (ou presque) : outre qu’il coûte à l’État, il incite les ménages à choisir des véhicules plus puissants et à les utiliser de manière plus intensive (et pas seulement pour aller au travail), accroissant la congestion sur les routes pour, au final, réduire le bien-être collectif. Si, dans d’autres pays, des études empiriques sur les coûts et les bénéfices de ce type d’avantage fiscal, qui existe ailleurs, ce n’est pas le cas dans notre pays, alors même que le système belge compte parmi les plus généreux.

 

Deux études récentes avaient montré que les heureux bénéficiaires effectuaient, chaque année, des milliers de kilomètres supplémentaires. Et un sondage indiquait qu’environ 20 % d’entre eux utiliseraient un autre mode de transport s’ils ne disposaient pas d’une voiture de société. Le Bureau du Plan, lui, a visé plus large : évaluer comment ce régime fiscal influençait le comportement des bénéficiaires ; et ses experts ont pu s’appuyer sur les résultats de l’enquête Beldam (BELgian Daily Mobility) menée en 2010 auprès de quelque 8.500 ménages.

 

Dans une première étape, le Plan a voulu déterminer si le fait de bénéficier d’une voiture de société incitait les gens à choisir des véhicules plus puissants et plus chers. La réponse est affirmative sur ces deux dimensions. La voiture la plus grosse du ménage (car le bénéfice de ce régime fiscal incite aussi les ménages à posséder plus d’un véhicule) est plus puissante (la puissance du moteur augmente de 5 %) et plus chère (la valeur du véhicule est supérieure de 60 %). Et les bénéficiaires parcourent nettement plus de kilomètres. Pour aller au boulot (neuf d’entre eux sur dix utilisent leur voiture de société pour se rendre au travail), mais aussi pour d’autres usages.

 

Le Bureau du Plan a voulu chiffrer ces effets. Ou plus exactement évaluer l’impact d’une suppression de cet avantage fiscal sur le nombre de kilomètres parcourus par les bénéficiaires. Sur base de divers modèles statistiques et économétriques, les experts du Plan sont parvenus aux résultats suivants. Le nombre de kilomètres effectués en voiture pour se rendre au travail serait réduit annuellement de près de 2.800 kilomètres. La suppression du régime fiscal des voitures de société conduirait à une diminution plus importante du nombre de kilomètres parcourus pour d’autres motifs : près de 5.800 kilomètres par an par ménage.

 

De voitures plus grosses, plus de kilomètres parcourus – un « usage excessif » de la voiture, dixit le Bureau du Plan –, c’est évidemment plus de nuisances que l’on peut chiffrer. Sachant qu’il existe en Belgique environ 380.000 voitures de société, le Bureau du Plan estime que le coût social (annuel) de ce régime fiscal dépasse les 900 millions d’euros, soit 0,23 % du PIB. Chaque voiture de société coûterait ainsi à la société 2.361 euros, auxquels s’ajoute la « dépense fiscale » (le coût budgétaire) qui atteint, en moyenne, 2.590 euros.

 

C’est donc un plaidoyer à charge. que le ministre de l’Emploi, Kris Peeters a tenté ce mercredi de récupérer à son propre usage. Il faut dire qu’il a tout récemment lancé l’idée d’un « budget mobilité » qui élargirait l’avantage des voitures de société à d’autres formes de mobilité (nos éditions de ce week-end). Car, bien entendu, pour le vice-Premier CD&V, il n’est pas question d’abattre la vache sacrée. De sorte que s’il promet de « tenir compte de cette étude dans les débats futurs » , il prévient déjà qu’il n’a pas vraiment envie d’en tenir compte, puisqu’il précise que « la voiture de société reste une rémunération alternative intéressante ».

C’est vrai qu’il faudrait être politiquement suicidaire pour s’attaquer seul à la voiture de société…

 

Un système trop généreux ?

Si vous avez une voiture de société que vous utilisez à la fois pour votre usage professionnel et personnel, vous bénéficiez d’un « avantage imposable » mentionné par votre employeur sur votre fiche de rémunération.

Cet avantage, sur lequel vous êtes taxé, est calculé sur base annuelle et dépend de la valeur catalogue et de l’âge du véhicule, mais aussi du taux d’émission de CO 2 . Il ne peut être inférieur à 1.250 euros (pour 2016).

Dans certains cas, le bénéficiaire d’une voiture de société doit supporter une partie du coût, sous la forme d’un montant qu’il verse à son employeur, déduit de l’avantage imposable.

 

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dénonce depuis plusieurs années la trop grande générosité de ce système.

Ses défenseurs font valoir que la voiture de société fait partie du pack salarial, permettant de compenser la lourde taxation des revenus du travail.

 

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